Habitacle rouge
Au musée Matisse, l'exposition Harmonie des Sphères valorise, entre autres, une œuvre impressionnante réalisée en 1972 par l’artiste nordiste Jean Dewasne. On vous raconte son histoire...
Habitacle rouge est une œuvre monumentale que Jean Dewasne réalise en 1972 dans le cadre d’un partenariat avec la Régie Renault, commanditaire de projets destinés aux bâtiments de l’entreprise. Il qualifie cette œuvre d’«Antisculpture monumentale pénétrable». Cet habitacle peut ainsi être considéré comme le point d’orgue de ses recherches sur les antisculptures alliant toutes ses innovations portées ainsi que sa quête de monumentalité.
L’usage de matériaux issus de l’industrie, à la fois automobile pour les supports (tôles d’aluminium et de polystyrène ici), et chimique avec les laques glycérophtaliques, caractérise la production de cet artiste qui est alors pionnier dans leur utilisation. Les panneaux extérieurs de cette installation sont entièrement recouverts de peinture émaillée rouge (à l’exception de trois textes écrits par l’artiste).
Les panneaux intérieurs de l’installation sont quant à eux recouverts d’une peinture monumentale nommée Environnement Mythia, prénom de l’épouse de l’artiste. Cette peinture fut élaborée avec la volonté de créer une peinture infinie, sans commencement ni fin, qui fait dans un même temps référence à la forme même de l’Habitacle (symbole ∞).
Elle se déploie ainsi sur l’ensemble des panneaux, à la fois sur les structures verticales mais aussi sur celles du plafond dans un jeu de miroirs permis par la laque qui leur donne leur brillance. L’usage de la laque sera largement prôné par Dewasne qui y verra un moyen «d’atteindre la plus haute intensité colorée possible» en obtenant des couleurs pures, plus brillantes et vives.
L’encouragement d’un tel rapprochement de l’art à l’industrie va définir le rejet de la peinture traditionnelle de Dewasne. De même, le langage plastique qu’il définit dans son Traité de peinture plane (publié en 1972) apparaît comme une lutte contre la figuration en faveur d’une abstraction totale des formes.
L’Environnement Mythia est un parfait exemple de ce langage pictural, largement fondé sur des bases scientifiques, et qui rejette toute illusion de profondeur et de perspective. L’artiste fait en effet prévaloir une planéité des formes (couleurs en aplats) placées sur un même plan afin qu’elles puissent ne faire qu’un avec le fond (dans une absence de superposition).
« Les constituants plastiques s’uniront en vertu / et non en dépit / de leurs différences » (Jean Dewasne, Habitacle rouge).
L'exposition Harmonie des sphères est visible jusqu'au 6 novembre 2022.
Crédit photo en-tête Philip Bernard